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28 sept

Voyage à Sydney Valley

Récit du voyage à Sydney par le producteur de Prison Valley, Alexandre Brachet.

6h du matin, je marche dans Liverpool Street. Je m’arrête finalement sur Stanley Street. Il fait jour depuis une petite heure seulement mais déjà la lumière est blanche, éclatante sans être agressive. C’est étonnant cette lumière blanche à Sydney. Depuis trois heures déjà que je suis réveillé et je n’ai pas eu le reflexe d’appeler en France. J’ai lu (le dernier Bret Eston Ellis) et c’est seulement en m’apercevant que non je ne réussirai pas à me rendormir que j’ai réalisé qu’en France la soirée commençait et que j’aurai pu contacter ma famille et mes collègues. Ellis m’a plongé dans LA et a très certainement influencé mon saut brutal du lit pour aller profiter de l’éveil de la ville.

Déjà calme en temps normal, Sydney à l’aube est vraiment belle. Mon hôtel, en plein centre donne juste sur le petit quartier que j’appelle Treme (c’est faux bien sur, en vrai le quartier s’appelle Darlinghurst) mais les petites et basses maisons coloniales ainsi que l’atmosphère US me font penser à la magnifique série de David Simon.

Si je suis à Sydney c’est parce que Prison Valley a été choisi pour être présenté (avec son producteur) lors d’une rencontre annuelle entre diffuseurs et producteurs et réalisateurs du monde entier. Leur point commun : être impliqué dans un programme diffusé ou co-produit par une chaine de télévision publique. Ca s’appelle le Best Of Input. Et ça vient après l’Input qui s’est tenu quelques mois plus tôt à Budapest.

Dès mon arrivée je comprends que c’est un peu un cadeau qu’on m’a fait. Que cette récompense (rencontrer des gens) est donnée par la profession toute entière, indirectement. En effet ici pas de remise de prix, on est en famille. C’est l’input qui invite. (En fait j’apprendrais plus tard que c’est l’attaché culturel de Sydney qui a régalé. Merci Jean Jacques Garnier !)

Et c’est cool parce que sans ça Sydney je n’y serai pas allé de si tôt. Et sans ça je n’aurai pas pu visiter les bureaux de ABC (la puissante télé publique australienne) et rencontrer Alan Erson (head of documentaries) et quelques autres. Nous avons passé une petite heure à discuter webdocumentaire, (qu’est ce qu’un bon sujet ? le rapport à l’audience / la diffusion, le budget, les équipes)  bref une discussion classique entre professionnels mais foutrement intéressante lorsqu’elle est amenée sans crier gare et animée par des gens passionnés et passionnants. J’en ressors gonflé à bloc.

Et je tombe là sur Laurent Desarnaud. Dans le bureau d’à coté. Il est français, et producteur web au sein de la chaine. Un mec féru d’infos et de docs et de web. On a d’ailleurs ensuite passé la soirée ensemble. Et l’entendre parler ici à Sydney de Rue89 (beaucoup) et de tous les webdocs qu’on a produit m’a prodigieusement réjouit. Laurent m’a raconté en détail toute l’aventure politicienne récente de l’Australie (les élections sont encore toutes chaudes) puis la conversation a dérivé sur Sarko (pas longtemps), sur la loi sur la Burqua, la petite vie politique française quoi. Enfin de soirée il me raconte son admiration pour Robert Fisk et je lui parle de Sacco.

Jour 2. Un après midi de rendez vous. D’abord à midi avec Christopher en charge du web au sein de Screen Australia (sorte de CNC australien) puis chez SBS, l’autre chaine publique, où je dois aussi rencontrer des responsables web. Et notamment Marshall Heald, sorte de @ronez local. Marshall doit me présenter et modérer ma session qui aura lieu le surlendemain. On se voit donc pour préparer la conférence mais aussi pour échanger. On évoque notamment la difficulté d’attirer des bons webdesigners dans le milieu du webdoc. On partage nos bonnes pratiques, nos envies. Le mec est parfait. Puis je file voir John, un jeune @davidcarzon, pour une itw. Au bout de 2 heures on se rend compte qu’en fait on avait déjeuné ensemble à SXSW il y a 2 ans en compagnie du lascard @remixmanifesto et de mon pote @casparsonnen dans un resto mexicain. Mec les canadiens ça a la bougeotte et de la mémoire.

Sur le chemin qui me ramène à l’hotel, je pense à la misère de mon dressing dans ma belle chambre d’hôtel, à mes jeans troués à l’entre jambe et au cocktail avec les huiles australiennes et l’attaché culturel français qui terminera cette deuxième journée dans ce qu’on me dit être un des plus beaux restos de Sydney. Ma femme m’envoie un SMS me disant que l’Australie c’est pas le Kazakstan et que le look Borat a ses limites. Que peut-être qu’un jour je pourrais penser à m’habiller correctement. Mouais.

Mais revenons quelques minutes à Ellis. A Houellebecq et à Beidbeger. Ceux qui me connaissent savent mon gout immodéré pour les bouquins de Houellebecq. Alors quand dans la Carte et le Territoire, je lis à plusieurs reprises « Beidbeger, l’auteur d’un Roman Français » je m’empresse d’aller l’acheter. Une manière me dis je de répondre à l’invitation de Houellebecq, qui semble souvent proposer à son lecteur de poursuivre l’aventure ailleurs. De la continuer hors du livre, comme une room proposée au lecteur sans l’obliger à pousser la porte mais fortement conseillée. Ce « Roman Français » je l’ai lu dans l’avion, quasi d’une traite et je dois dire que je l’ai beaucoup aimé, pour un bonus. Et puis le rebond continue. Beidbeger évoque Ellis, forcément. J’avais anticipé, et emporté Suite(s) Impériale(s) dans mes bagages.

Ces voyages à l’autre bout du monde c’est ça. C’est à moi. Cela m’appartient. Depuis 3 ans maintenant je voyage assez souvent dans les différents événements internationaux qui portent le webdocumentaire. Et petit à petit c’est devenu quelque chose d’important. Très important même. Au delà de l’aspect professionnel, j’ai pu grâce à ces voyages (une bonne quinzaine) me créer un hobby. Ne rigolez pas. C’est important les hobbies. Vous en avez certainement (la musique, le sport, la cuisine). Moi c’est les voyages professionnels. S’ils vous prenaient l’envie de railler l’expression hobby je vous préviens tout de suite que des représailles d’une violence inouïe s’abattraient sur vous et votre famille.

Je le raconte pas mais depuis toute à l’heure que je suis en train d’écrire ce texte psychanalytique des dizaines de personnes sont passées devant la petite terrasse aux chaises rouges qui m’a attiré pour boire mon café / clope. Je ne citerai que les 2 filles de 15 ans en uniforme se rendant à l’école et le promeneur (35 ans) affublé d’un combo bandana lunettes de soleil typiquement australien et son chien (genre pitbull à rayure). Mais vous pouvez aussi imaginer les employés municipaux, les fêtards, les joggeurs (beaucoup), les paumés, les cadres branchés, les commerçants qui ouvrent leurs boutiques et (priceless) une sorte de Pamela Anderson entièrement bodybuildée des lévres. Mais plein d’autres hein ! Croyez moi Sydney à l’aube ça déboite bien.

Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce que pour moi c’est aussi ça produire des webdocumentaires. C’est la chance de pouvoir parfois réfléchir à son métier et à sa vie. A 7h30 du mat à l’autre bout du monde. Il est maintenant l’heure de traiter les 354 mails que j’ai en retard et de lire les dossiers d’auteurs reçus ces dernières semaines. Et de recommander un expresso.

Jour 3. Les choses sérieuses ont commencé. Cocktail (violent) hier soir puis depuis ce matin « screenings & debates » sur ce qu’on peut clairement appeler la crème de la crème des programmes de télé publiques. Je suis très impressionné par ce que j’ai vu. Notamment un film documentaire réalisé à partir d’archives en 16 mm d’un grand père marin (norvégien) par son petit fils. Proprement hallucinant. Le héros (le vieux) a filmé sa vie en 16mm mais avec un angle… Ca s’appelle Discoveries of a Marionete. Et un autre qu’on pourrait résumer par Le mur de Berlin vu par des lapins. Genial aussi. Nominé pour les oscars. Arte involved in it.

Sinon en vrac : alors que c’est demain que je présente Prison Valley, j’ai d’ores et déjà beaucoup de messages de félicitations. Prison Valley est véritablement perçu ici comme une innovation majeure (et ça fait bien plaisir avouons le). Je suis toujours aussi à la cool : j’aime le décorum, les gens, le printemps, l’anglais qui devient fluide un peu plus chaque jour. J’ai un peu rattrapé mon jetlag mais comme ce fut au prix d’une sérieuse cuite, je continue à vivre dans un état permanent de post nuit blanche. Et ça aussi c’est bien agréable.

Fin du séjour non bloguée. Mais quelques photos de mon intervention. Je quitte Sydney ce dimanche après un bref passage sur la plage de Bondi (prononcer Bondaï) et un bain sur celle de Bronte (prononcer Bronti). Le vol retour sera bien bien long. Le temps d’apprécier à sa juste valeur ces 5 jours du bout du monde.

Amicalement.

Alexandre Brachet – Producteur

Presentation de Prison Valley à Sydney - Input

Presentation de Prison Valley à Sydney - Input

Presentation de Prison Valley à Sydney - Input - Haut les mains !

Presentation de Prison Valley à Sydney - Input - Haut les mains !

Un peu de fatigue mais le cocktail approche !

Un peu de fatigue mais le cocktail approche !

Crédits Photos : Fran Tinley – http://frantinley.redbubble.com/

4 commentaires

  1. 1 29 septembre 2010 à 10 h 37 min
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    Cet homme est fou. Cet homme est mon ami.

  2. 2 29 septembre 2010 à 19 h 58 min
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    Like.Comme on dit.

    De toute façon, Ellis, faut toujours e lire dans des circonstances particulières…

  3. 3 30 septembre 2010 à 8 h 07 min
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    Je lis et je suis comme propulsé dans un webdoc ! Je me retrouve à la terrasse d’un bar à Sydney, je sens l’odeur du café et l’atmposphère de la ville qui s’agite doucement dans sa lumière blanche… encore… encore…

  4. 4
    abrachet
    30 septembre 2010 à 10 h 25 min
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    Merci les amis. C’est chouette vos retours. Vraiment. Amitiés. Alex